jeudi 6 décembre 2007

L'Europe n'est pas encore de retour !


Nicolas Sarkozy mène une politique que l'on pourrait parfois qualifier de "politique carte-postale". En effet, il aime à nous envoyer de belles images de là où il se trouve et, comme tout rédacteur de carte-postale qui se respecte apprécie aussi imaginatif à défaut d'être de bonne qualité. Mais de la même manière que lorsque l'on reçoit une carte-postale on ne doit se fier ni à l'image ni au court message pour imaginer la réalité. Ils ne sont à eux deux que de petits à priori permettant tout juste de se faire une idée relative de ce que pourrait être cette réalité. Et en ce qui concerne l'Europe, le Président de la République s'entête à ne pas dépasser ce stade. L'illusion est là, les français sont persuadés que la France a guérie l'Union de tous ses maux (par les mots !).

Ainsi notre Président a fait le tour de l'Europe pour faire adopter son "traité simplifié". Il rencontra des difficultés, en Pologne notamment, il les surmonta. Ils fît face à des réticences de toutes part jusque dans ce qu'il croyait être son camps (mais qu'il dont il n'avait sut mesurer l'ampleur de la déconcertation à la suite de l'ouverture elle aussi quelque peu carte postale), il ne s'en embarrassa pas. Cette volonté de faire avancer l'intégration européenne est remarquable et je la félicite. Mais je ne félicite que la forme (je n'ose dire le dynamisme) et non le fond qui reste selon moi et selon beaucoup d'autres trop vague, trop incontenant. Je m'explique.

Le traité établissant une constitution pour l'Europe était certes complexe et parfois inaccessible mais il était complet. Et qui peut dire que les textes de lois sont accessibles ? Je suis en faculté de droit et je peux vous affirmer que bien des années d'études supérieures sont nécessaires pour les rendre compréhensibles ! Il n'est donc pas un argument recevable que de dire que la simplification du traité s'est faite dans le but de le rendre accessible. En réalité, il s'agissait d'écarter les clauses gênantes, de les modifier pour les faire accepter par tous. Il ne fallait pas que Nicolas Sarkozy rentre bredouille, la carte n'aurait pas été réussie ! Mais le résultat est que le texte est démembré et que le tronc restant est décontenancé. Il ne reste rien. Mais peu importe, le principal est que l'image soit sauve, le texte lui est secondaire !

Je sais ce que dirait le Président en lisant ce message : "Mais monsieur, vous vouliez quoi ? Que je reste assis à l'Élysée ? Que je ne fasse rien ? Moi je dis, avec cette philosophie on ne fait rien, on agit pas ! Et moi je préfère l'action !" Mais monsieur Sarkozy, je ne vous demande pas de ne rien faire, je dis juste que parfois l'action n'est pas le gage de la qualité. Jugez des films de Jean-Claude VanDamme ! J'aurais su apprécier une action minutieusement préparée, avec un objectif ambitieux. J'aurai certainement été plus satisfait d'une négociation en plusieurs actes aboutissant sur un accord total, gage d'efficacité.

Jean-Louis Bourlanges qui vient d'abandonner son mandat de député européen tire un bilan parfois amère de ses dix-huit années passées au parlement. "Qu'il s'agisse de l'éducation et de la recherche, du droit du travail et de la protection sociale, de l'organisation administrative des territoires, de la justice et de la police, de la défense et de la politique étrangère et même, malgré Maastricht, des politiques budgétaires et fiscales, l'essentiel du pouvoir reste dans les Etats. Dans ces domaines, l'Europe fait semblant. Semblant d'être une solution aux yeux de ses promoteurs et, à l'inverse, d'être une menace aux yeux de ses adversaires qui lui attribuent abusivement la responsabilité de tous les bouleversements économiques, financiers, sociaux et culturels qui procèdent de la mondialisation affirme-t-il dans un entretien accordé au journal Le Monde parut le 1er décembre dernier. Il poursuit : "L'Union s'est dotée de tous les attributs d'une organisation fédérale démocratique : un gouvernement supranational, la Commission ; une chambre des Etats, le Conseil ; une assemblée supranationale élue au suffrage universel, le Parlement ; une cour de justice et une banque centrale. Il ne lui manque qu'une chose, les compétences correspondantes. Elle est donc surdimensionnée institutionnellement."

Pour lui donc, "l'Europe fait semblant". Il donne l'exemple du processus de Lisbonne en 2000 : "On a défini des objectifs mirifiques qui devaient faire de l'Europe la puissance économique la plus compétitive du monde, et il n'en est pratiquement rien sorti puisque la réalisation de ces objectifs reposait exclusivement sur la capacité de chaque Etat à faire le travail chez lui. La valeur européenne ajoutée était quasiment nulle." Pour lui cette phase a commencée "quelque part entre la guerre d'Irak, l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie, les criailleries budgétaires et un élargissement bâclé" et il semblerait qu'elle continue avec Nicolas Sarkozy.

J'aimerais tant que la France n'est pas voté non au référendum du 29 mai 2005. Un référendum qui s'était d'ailleurs transformé en un plébiscite national. Une maladie chez nous que de répondre aux investigateurs de référendum par la sympathie qu'on leur porte. Souvenez-vous de De Gaulle, parti en 1969 à l'occasion d'une telle procédure. Une habitude si bien ancrée dans les mœurs français que l'on ne réfléchit même plus à la question posée mais simplement à savoir si nous allons ou non accorder notre confiance à celui qui pose la question. Je persiste à dire que ce non était une catastrophe tant sur la plan national que supranational et dont les français n'ont jamais su mesurer l'ampleur.

L'Europe n'est pas de retour et ce n'est pas avec le traité simplifié qu'elle le sera. Cependant, je suis d'autant plus critique envers les tenants politiques du non car il est clair que c'est encore moins avec leur "plan B" que nous remettrons l'Europe sur les rails. Il nous aura fallut deux ans pour sortir de la crise mais je crains qu'il nous en faille encore plus pour connaitre une nouvelle phase d'intégration. Jean-Louis Bourelanges est même pessimiste jugeant que l'Europe "a atteint un palier" et qu'elle "continuera de fonctionner cahin-caha sans développement institutionnel et politique majeur pour au moins une quinzaine d'années. Elle va connaître ce que Keynes appelle un équilibre de sous-emploi." Il fait incomber la responsabilité de cette stagnation à venir à l'hétérogénéité des économies et des sociétés, au réveil des identitarismes et à l'absence de menace extérieure forte et spécifique qui rendent selon lui extrêmement difficile tout progrès important. En effet, les eurosceptiques n'ont a prioris pas compris que l'Europe s'est faite grâce à la paix qui a permis aux Allemands, aux Français, aux Italiens et aux Bénéluxiens de s'engager sans crainte sur la voie du rapprochement et de l'intégration et qu'elle a vocation à permettre le développement économique, culturel et social dans un cadre pacifique. Cela est précieux ! Nous n'avons pas le droit de gâcher ce potentiel. Nous avons le devoir de promouvoir à notre tour comme l'on fait avant nous Robert Schuman, Valéry Giscard d'Estaing, Elmut Khol, Jacques Delors...

Je tiens à réaffirmer ma rage d'Europe, ma faim insatiable de construction et d'ambition géopolitique, ma croyance en l'avenir d'une formation qui m'aura permis de grandir en paix et qui je le souhaite permettra à nos enfants de le faire aussi. C'est à nous maintenant de reprendre le flambeau ! Il nous incombe d'être à la hauteur de l'ambitieux projet qui s'impose à nous. Car après avoir bâti l'Europe, il nous faudra faire les européens ! Le traité de Lisbonne est un espoir qu'il faudra concrétiser !

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