samedi 14 juin 2008

La France n'est plus indivisible

Non, ne vous inquiétez pas, je ne suis pas devenu un régionaliste lorrain inconscient poseur de bombe ! Simplement, je conteste le projet de loi portant réforme et modernisation de la Constitution. Ou du moin les amendemants qui y ont été apportés. Je relèverai notament deux amendemants et sous amendemants. Respectivement, je parlerai de l'amandement n°605 et du sous amendement n°606 qui lui est rattaché. Ils traitent de la nécéssité de faire inscrire dans la Constitution l'appartenance des langues régionales au patrimoine national.


Les amendements dans le texte

AMENDEMENT N° 605 Rect.
présenté par
M. Warsmann, rapporteur
au nom de la commission des lois
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ARTICLE ADDITIONNEL
AVANT L'ARTICLE PREMIER, insérer l'article suivant :
L’article 1er de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les langues régionales appartiennent à son patrimoine. ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement propose de tenir compte du souhait d’inscrire dans la Constitution l’existence de langues régionales, qui a été exprimé par un grand nombre de parlementaires, notamment à l’occasion du récent débat qui a eu lieu à l’Assemblée nationale sur les langues régionales (séance publique du mercredi 7 mai 2008).
Il est proposé d’insérer la mention des langues régionales dans l’article 1er de la Constitution, qui a été complété par la révision Constitutionnelle du 28 mars 2003 afin de préciser que « son organisation est décentralisée ».

SOUS-AMENDEMENT N° 606
présenté par
M. Bayrou
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à l'amendement n° 605 de la commission des lois
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AVANT L'ARTICLE PREMIER
Après le mot :
« patrimoine »
rédiger ainsi la fin de l’alinéa 2 de cet amendement :
« de la Nation. La République les protège. ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Ce sous-amendement se justifie par son texte même.

La critique sommaire

Dans un premier temps, je souhaiterais exprimer mon désaccord quant au fait de faire inscrire en tête de notre Constitution l'appartenance des langues régionale à notre patrimoine national. Je crois d'abord qu'il est inutile de surcharger un texte censé définir le fonctionnement de nos institutions et les principes fondamentaux de notre droit positif français. Ensuite j'ai peur -et je suis tout à fait sérieux lorsque j'envisage cette facette du problème- que mettre ainsi en exergue cet élément distinctif de chaque région de France dans notre « texte fondateur » face passer au second plan le fameux « La République Française est [...] indivisible ».

En premier lieu donc, le fait que l'inscription de ce principe soit discutable. Les dépositaires de cette modification du texte -dont en outre monsieur Bayrou- n'ont certainement pas acqui que la priorité d'une Constitution ne réside pas dans la protection, certes tout à fait nécéssaire, des éléments du patrimoine linguistique de la France. En effet, sa fonction est avant tout de définir un mode de fonctionnement efficient pour nos institutions. Ensuite, le texte fondamental dont doit se munir chaque état et qui est la Constitution doit énoncer les principes fondamentaux du droit positif d'un pays. Ces deux fonctions représentent déjà un travail considérable pour les Constitutionnalistes et offre à ce texte un rôle prédominant. Il n'est pas nécéssaire me semble-t-il de l'alourdir de « choses dont le nécéssité n'apparait pas comme expresse et qui ne sauraient justifier de façon inébranlable leur présence ».

La France a cette fâcheuse tendance de légiférer pour légiférer. Un peu comme si le Parlement, à défaut d'avoir un réel pouvoir, se mettait à produire une somme considérable d'amendements pour (se) prouver qu'il existe. Et comme le dit Guy Carcassonne « il n'y a rien de plus terrifiant que le cri déchirant la nuit d'un ministre qui n'a pas eut sa loi [une loi à son nom ndlr] ! ».

Voilà donc ce que je ne souhaite pas, que la Constitution se voit flanquée d'une somme d'affirmations qui ne seraient finalement là que pour flatter tel ou tel lobbying régional, économique, corporatiste ou que sais-je encore. Si je ne le veux pas c'est simplement parce que je considère que la Constitution, dans sa rédaction n'est pas là pour plaire aux technocrates, n'est pas là pour se farder d'un intellectualisme inutile. Bien sûr que les mots ont leur importance et qu'il ne faudrait pas sous estimer leur rôle, primordial en de pareilles circonstances. Seulement, utilisons les bons mots au bon endroit, mais n'utilisons que les mots nécéssaires et n'allons pas plus loin. L'enjeux est que chacun puisse lire le texte fondamental. Car nul, souvenez-vous, n'est censé ignorer la loi. Et au delà de ça, rappellez-vous de l'une des significations du NON des français au référendum de 2005 sur le traité établissant justement une Constitution pour l'Europe. Ils l'avaient trouvé « illisible ». Une fois encore, le mot a toute son importance : ils se sont trouvé face à un texte qui, de par sa précision et par sa rédaction leur était inaccessible...

Voilà donc qui nous pousserait plutôt à s'en tenir au strict nécéssaire, ce qui finalement est déjà un immense défi.

Poursuivons sur la nature textuelle du problème. Inscrire dans l'article premier de la Constitution de la Vè République que « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la Nation. La République les protège. » pose plusieurs problèmes.

D'abord c'est s'aventurer sur le terrain dangereux des caractéristiques et au delà des particularismes régionaux. Or on sait combien les vélléïtés d'indépendances peuvent être fortes en France, notamment de la part des régions périphériques qui justement sont les premières visées par de telles dispositions. Je crois qu'avancer un peu plus dans la reconnaissance de « caractéristiques propres à chacunes d'entre elles » pourrait nous contraindre à terme à affronter le développement du conrant de pensée autonomiste qui aurait de plus en plus d'argument. Ne leur donnons pas plus de légitimité qu'ils n'en ont déjà !

Ensuite, il y a une phrase dans la Constitution qui affirme que la République française est indivisible. C'est justement un point fondamental que la Constitution se doit de préciser. C'est ce genre de choses qui doivent être inscrites dans la Constitution parce qu'elles sont d'une envergure particulière. Pour en revenir au débat (presque sémantique, j'en convient) il me semble que le caractère indivisible de la Nation française soit incompatible avec l'inscription dans son texte fondamental de particularismes géographiques diverses. Ils sont certainements très importants à préserver culturellement et je ne remet pas en cause leur existence ou leur valeur. Simplement j'exprime ma conviction selon laquelle leur inscription dans la Constitution n'est pas une chose qui soit utile ou souhaitable.

On précise déjà depuis 2003 que l'organisation de la République française est décentralisée, pourquoi rajouter que certaines régions de France ont une partilarité linguistique ? Et, dans cette optique, pourquoi ne pas inscrire que « Les paysage des régions de France, dans leur pluralité et leur diversité appartiennent au patrimoine de la Nation. La République les protèges. » ? Et puis les caractéristiques architecturales ne devraient-elles pas apparaître aussi dans la Constitution de telle sorte que l'on soit bien sûr de les préserver de toute atteinte malveillante ?

Les langues réginales sont sans aucun doute une richesse culturelle immense. Simplement, je ne crois pas qu'il soit du ressort de la Constitution de défendre cette richesse, comme il n'appartient pas à la constitution de défendre les joyaux d'architecture qui se trouvent dans notre beau pays ou toutes les espèces animales qui sont tragiquement en voie de disparition. Il y a les bâtiments de France, la SPA, WWF... On pourrait aisément imaginer un organisme chergé d'organiser la défense et la promotion des langues régionales. Il faut faire la part des choses et laisser la Constitution jouer pleinement son rôle, et seulement son premier rôle.

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